Le début et l’histoire de Nana
Nana, le neuvième épisode de la série des Rougon-Macquart est mis en vente le 5 Février 1880 chez Charpentier après une publication dans « Le Voltaire ». Ce dernier lance sa compagne de publicité en déclarant : « Les amis et les ennemis de Monsieur Zola espèrent avec une égale ardeur trouver dans Nana les uns beaucoup à admirer, les autres beaucoup à dénigrer. Nous déclarons que cette double attente ne sera pas trompée ».
Nana raconte l’histoire d’Anna Coupeau, dite Nana , fille de Gervaise Macquart et de Coupeau.
L’histoire débute en Avril 1867 lors de la première représentation de la « Vénus blonde » au Théâtre des Variétés. Nana a le rôle principal. Pourtant, elle n’a aucun talent mais le Tout-Paris est venu, séduit par sa beauté et son audace dans le rôle de la Vénus déshabillée.
” Ce que j’ai voulu dans Nana, raconte Zola, c’est planter devant les yeux de tous « une de ces filles » dont on fait rêver les naïfs ; et, comme il y en a des milliers à Paris, la camper, telle quelle et pour de bon, tous prestiges arrachés, montrer qu’elle est le mal et le mal qu’elle engendre autour d’elle. J’ai voulu protester contre les Marion Delorme, les Dames aux Camélias, les Musettes, tout cet enguirlandage du vice que je trouve dangereux pour les moeurs et d’une influence désastreuse sur l’imagination de nos filles pauvres.”
Les “Lorette” par Zola
Dans ce livre, Zola nous propose de suivre le parcours d’une Lorette (mot qui désigne au XIXème siècle un type de jeune femme élégante vivant de ses relations avec des hommes), devenant enfin cocotte prostituée de luxe sous le Second Empire, et qui a tendance à ruiner les amants qui s’éprennent follement d’elle.
Zola s’intéresse particulièrement à deux catégories sociales de son temps : les noceurs et les courtisanes. Il propose une peinture fidèle de ces « boulevardiers » entourés de « gloire » ; à leur égard, la colère de Zola est ancienne. Dans un article du 6 décembre 1868, il avait enlevé leur masque à ces « vieillards de trente ans que la débauche nous envoie », ces « retraités de la galanterie » qui font les importants, prononcent les oracles, se mêlent de donner des conseils au pays, eux dont « toute la jeunesse n’a été qu’une moquerie des choses saintes et graves ».
Mais qui est Nana ?
Pour les courtisanes, l’intention de Zola est de montrer que si «les filles ont ce pouvoir, si les classes riches se dissolvent dans la corruption, il ne faut pas s’en prendre aux prostituées qui ont réussi, à un tel régime politique. « C’est la condition humaine qui est en cause ». A ce propos, Zola confiait à l’un de ses amis que « Nana est une sorte de chapelle ardente ; au centre, et comme au fond d’un tabernacle, le sexe de la femme ; autour, un peuple d’hommes prosternés, ruinés, vides ».
Symbole tout autant que femme, Nana incarne la décomposition de l’Empire. Après avoir été adulée de tous, elle meurt en juillet 1870 en même temps que le régime. Avec Nana, s’effondre une société mûre pour La Débâcle. Ce livre met très en colère les hommes d’ordre car il lève le voile sur des choses dont on peut parler en souriant dans la bonne compagnie et toutes portes closes, mais qu’il faut être un mufle et un anarchiste pour oser les étaler ainsi publiquement.
Pour son lancement, l’éditeur fait tirer le livre à 55 000 exemplaires ; le soir-même, il en commandait en toute hâte 10 000 de plus. Entre 1880 et 1902, Emile Zola touchera des droits d’auteur sur 193 000 exemplaires vendus.